La Dernière Conscience - Son


	Originaire de Rennes, DJ Nétik commence dès l'âge de 14 ans à se pencher sur les platines. Sa précocité et sa dextérité marquent déjà les esprits lors de soirées et autres prestations sur Rennes. En 1997, alors âgé de 15 ans, il participe à une battle lors du salon du mix. Il remporte la compétition et acquière une mixette Vestax qu'il convoite. En 1998, sa mix-tape "Ton DJ va crack-er" connaît un bon succès d'estime. Puis, en 2001, le titre de Champion du Monde du Battle for World Supremacy DMC le fait découvrir à une audience beaucoup plus large. A 19 ans, il impose sa maîtrise, son originalité et son travail.
Ce titre historique lui ouvre beaucoup de portes : de nombreuses petites prestations adulées sur Rennes et de grosses scènes comme Energ' Hip-hop à Nantes ou Les Transmusicales à Rennes, où il partage la scène avec La Caution, Aesop Rock, Cannibal Ox et les DJ belges Lefto & ID.
Bien que la technique soit une caractéristique de son style, la musicalité et la recomposition sont autant recherchées. Turntablist et DJ définissent donc Nétik. Actuellement, il collabore avec un groupe de jazz / drum'n'bass hollandais, Electric Barbarians. Ils ont souvent l'occasion de jouer ensemble sur scène mais malheureusement pas encore en France. DJ Nétik est également associé avec un groupe du Mans, Boo Graz. Cette interview revient bien évidemment sur son titre et ses impressions sur la compétition mais tente aussi d'élargir sur sa vision de sa discipline et de la musique. Ses projets, collaborations et
motivations sont aussi abordés. De nombreux extraits sont disponibles pour appuyer ses dires et envisager sa démarche dans sa globalité.

DJ Nétik - Down Town Records - 19/02/2002

Comment es-tu entré dans la musique ?

J'ai tâté d'autres instruments avant, dont la guitare pendant 3 ans, mais les platines m'ont vite absorbé. Tu as toujours envie de pratiquer quand il y a un style que tu kiffes, donc j'ai investi les platines comme je m'intéressais au rap. Le toucher m'a tout de suite séduit et c'est devenu une passion. J'apprécie le côté autodidacte du hip-hop et cela m'a motivé. En plus, le turntalism est encore assez jeune et il reste encore beaucoup de choses à exploiter.

On va revenir sur le Championnat DMC. Tout d'abord, pourquoi avoir choisi la catégorie "Battle for World Supremacy" ?

Contrairement aux 6 minutes, tes routines ne sont pas faites pour s'assembler. En individuel, tu pars sur ton intro et tu fais évoluer ton set avec une vision d'ensemble. En battle, la diversité des routines permet de montrer des choses différentes. C'est donc une meilleure entrée en matière qu'un 6 minutes, je pense. En plus j'ai plus de difficultés à jouer avec les transitions entre les routines et j'avais envie de préparer des routines autonomes. L'esprit battle me convient aussi mieux : le face à face où il faut écraser l'autre DJ, est un bon concept. Le côté sportif fait parti du hip-hop.

Pourtant tu avais l'air très concentré, un peu dans tes pensées ...

Ouais c'est clair. Tout l'environnement avec les 2 caméras en face de toi fait que tu as toute l'attention sur toi et il faut gérer le stress. C'est vrai que je n'étais pas vraiment dans l'esprit battle, mais plus concentré pour que mon son sorte bien. C'est donc dur d'être à l'aise tout en pensant déjà à ce que tu va sortir en fonction de ton adversaire ...

Donc tu choisissais tes routines juste avant chaque battle ?

Oui, vu que l'ordre de passage se fait par tirage au sort. Tu ne peux pas savoir contre qui tu vas tomber. On t'annonce ton adversaire au dernier moment, tu branches ton casque et là tu choisis ta routine. Après tu fais le vide, tu écoutes ce que fait l'autre, et en fonction de ça, tu rentres dans ton truc. Les battles se jouent là-dessus : il faut sortir la bonne routine au bon moment et ne pas gaspiller la meilleure contre un mauvais adversaire. Faut gérer sa stratégie, c'est tactique.

Ecouter les routines avec Ecouter !

DJ Nétik : Give it up !

DJ Nétik : My style is ...

DJ Nétik : Right now

Avant de les présenter, tes routines ont déjà toute une histoire. Quelle démarche utilises-tu pour construire une routine par exemple ?

En fait, j'ai pas mal bossé sur des breakbeats cette année. Je les laisse tourner, j'écoute et quand je trouve un son qui me parle, j'essaye de le poser sur une instru. Je travaille le beatjunglin' un peu différemment : je teste les beats que j'aime bien pour faire un truc avec. La démarche se fait aussi dans le sens inverse, mais l'essentiel est d'écouter. Il y a un grand côté technique dans le Djing, mais, quand je dois construire des routines, c'est la recherche et l'écoute qui priment. Tu taffes le truc sans pratiquer. Sortir mes propres breakbeats serait l'idéal pour disposer de tous les sons que j'ai pioché un peu partout, pour les agencer à ma façon, avec mes petites idées derrière la tête. Il n'y a pas mieux que d'avoir ses propres vinyls car chaque DJ a ses idées de construction.

Dané & DJ Nétik - Bistrot de la Cité - 04/04/2002

Impressions sur la finale avec Snake Eyes ?

C'est vrai que physiquement, il est impressionnant. Par contre, au niveau du son, en remattant la vidéo, il est décevant. Mais, le fait que ce soit un américain, tu as tout de suite des a priori. Je ne regardais pas trop ses lentilles rouges. Mais ça fait parti du show et c'est ce qui fait le piquant de la battle.

Et DJ Kodh en demi-finale ?

C'était le champion du monde en titre et je pensais qu'il avait toutes ses chances. On se connaissait déjà un peu car on s'entraînait ensemble dans la chambre d'hôtel. On s'est montré toutes nos routines. Conclusion, j'ai sorti mes routines les plus nerveuses, les plus patate. En demi-finale contre lui, c'était mes grosses cartouches. Ça fait la différence. En plus, nous ne sommes pas comparables. Il a un style vraiment différent du mien.

DJ Kodh l'année dernière, DJ Nétik cette année. Qu'en penses-tu ?

On est les premiers français à avoir gagné des titres de championnat du monde DMC et cela deux années de suite. J'espère que c'est le début d'une longue série ( rires ).

La même hargne pour l'année prochaine ?

Plus encore, parce qu'il faut défendre le titre. Et puis, 2 fois de suite, c'est encore plus balaise. Aussi, j'ai quelque chose à prouver à moi-même. Je mets les bouchées doubles pour l'année prochaine et on verra .

Que penses-tu du DMC en général ?

Les compétitions sont bien organisées. Mais c'est clair qu'il n'y a pas vraiment de critères bien définis pour le jugement dans le Djing. Chacun a son opinion et tu as toujours des désaccords. C'est vrai que ça peut paraître un peu subjectif. Sinon rien à redire sur l'organisation en elle-même, c'était plutôt pas mal.

Lors des championnats, utilises-tu ton propre matos ?

Non, tu emmènes juste tes cellules, tes feutrines et tes disques. La mixette est la même pour tout le monde. En l'occurrence, c'était la Vestax 07 donc ça tombait bien puisque c'est celle que j'utilise en général. Souvent tu te renseignes avant sur le matos prêté lors de la compet. De toutes façons, un DJ doit savoir s'adapter, puis on se rode avec le temps.

Maintenant que tu t'es fait un nom, on a dû te démarcher au niveau sponsoring ?

Il y a des propositions, mais ce n'est pas concrétisé. Je vais jouer le jeu. Tout le monde a besoin de matos et c'est ce qui coûte le plus cher. Tu dois toujours réinvestir donc c'est un apport qui n'est pas négligeable mais en contre-partie tu dois faire de la pub pour la marque. Le Djing est devenu un bizness contrairement au graff ou la danse. Il ne faut pas se voiler la face. T'as les vidéo, les skeuds, les cross-fader que tu fumes tous les mois, les cellules, donc je suis pas du genre à cracher sur les sponsors. Tant que ça marche dans les deux sens, tout va bien. Et puis ça peut aussi aider à développer les choses.

Le milieu du scratch est quand même un peu fermé ...

Je trouve un peu dommage de faire du scratch pour ceux qui font du scratch et inversement. C'est pourquoi j'essaie d'amener une musicalité dans mes routines pour faire aussi kiffer les gens qui ne connaissent pas. Je veux qu'un certain feeling se dégage.

Tu collabores d'ailleurs avec un groupe de jazz hollandais. Que t'apporte ce genre de connexions ?

Réaliser des choses en dehors du hip-hop, permet de s'ouvrir. C'est important et en plus, ça me fait aussi évoluer dans un registre strictement hip-hop. J'apprends beaucoup en jouant avec des musiciens et sur le plan personnel, musical, ça t'enrichi. Ça fait un an et demi que je bosse avec les Electric Barbarians. On a fait une dizaine de scènes en Hollande, en Belgique et j'espère bientôt en France. Ça démarre petit à petit, mais le principe est vraiment important. Ces expériences sur scènes avec des musiciens sont différentes de celles avec des rappeurs. Le Djing s'inspire de tout et peut apporter quelques chose dans un autre style musical. Même pour le public, je trouve ça intéressant de voir un mec qui fait du scratch dans un groupe de jazz. A mes yeux, ça fait avancer les choses dans le bon sens et c'est bénéfique pour l'ensemble de la discipline.

Ecouter les lives avec Ecouter !

Electric Barbarians - DJ Nétik : Ragadak

Electric Barbarians - DJ Nétik : Soul Juggling

Electric Barbarians - DJ Nétik : Arabik

Tu considères le turntablism comme un instrument ?

Pour moi, c'est clair que s'en est un. Mais tu utilises des disques existants, donc tu ne créés pas vraiment comme avec un instrument classique. Quoi que maintenant des mecs commencent à utiliser les platines sans les disques ... Mais le turntablism est encore tout jeune et les gens ont encore du mal à le concevoir comme un instrument, aussi bien en France qu'aux Etats-Unis. La discipline n'est pas encore assez mûre, mais peut-être que dans quelques années, on ne pourra plus renier que c'est instrument. Même aujourd'hui, il y a des partitions de scratch et ça a été breveté.

Que conseillerais-tu à un DJ qui débute ?

Déjà, franchement, il faut mieux attendre d'avoir le budget pour s'acheter des Technics. Je conseille des MK2 et une mixette Vestax. Après au niveau du toucher, tu peux trouver d'autres bonnes tables. Par contre, les platines, c'est Technics. Je n'ai pas tout essayer, mais c'est ce que j'ai constaté. Les MK2 sont des références et je n'ai pas encore trouver mieux. C'est du solide et tu te sens en confiance. Au niveau du son, je trouve qu'il faut d'abord apprendre à caler des disques en créant son propre truc. Après seulement tu peux essayer de scratcher. Il ne faut pas forcément vouloir commencer avec les crabes, les 3 doigts et les flairs. Apprendre par le Old School, genre Cash Money, Transformer, ... et par le mix, c'est important de commencer par les bases. Et ensuite, s'enfermer dans ta chambre pour continuer.

DJ Nétik & DJ Slim - Bistrot de la Cité - 04/04/2002

Continues-tu à mixer en soirée ?

Si on me propose de mixer dans des soirées hip-hop, je le fait. Mais c'est clair qu'en ce moment, il n'y a que des soirées r'n'b et très peu de soirées hip-hop où je peux mettre des sons que j'aime tout en m'adaptant au public. Les soirées hip-hop sont toujours assez underground ou privées. Je kiffe encore mixer tout seul dans ma chambre. J'achète des disques toutes les semaines, et, vu que j'ai commencé par ça, j'ai pas envie de lâcher.

Que penses-tu des Transmusicales ( festival rennais ), qui t'ont d'ailleurs souvent programmé ?

C'est vrai que j'ai été programmé 3 fois dont 2 au Liberté. C'est aussi par le biais du festival que j'ai rencontré les mecs de Hollande. Un gros festival comme celui-là ouvre d'autres horizons. Des feelings se créent avec des personnes présentes et c'est toujours intéressant de faire des rencontres. De plus, il y a les maisons de disques, le public qui vient de partout, et puis le fait d'être à Rennes, chez moi. Il faut montrer que je suis là. Mais je ne connais vraiment les Trans que depuis ma présence il y a 3 ans. Je trouve que cette année, il n'y a pas eu assez de hip-hop. D'un côté, la diversité musicale est intéressante et ça permet de voir autre chose. Mais j'ai été déçu par rapport à l'année dernière : il n'y a pas eu de réelles têtes d'affiche et c'était trop éclectique à l'extrême. Le concept du festival reste tout de même intéressant.

Tu étais dernièrement à Nantes, au festival Energ'Hip-hop. Peux-tu nous en parler ?

J'étais présent au festival pour faire une démo et être dans le jury de la battle DJ. Ça s'est bien passé et l'ensemble du festival avait l'air pas mal. En plus, c'est toujours intéressant de composer le jury et de se mettre à la place des gars qui t'ont jugé. Contrairement au DMC où tu mets des points et ton appréciation, là tu avais des critères comme la musicalité, la propreté, l'originalité, la présence et la polyvalence. Je l'avais déjà fait au DMC mais c'était juste après ma victoire donc j'étais sur mon petit nuage. Du coup, c'est dur d'être objectif et réaliste le lendemain du titre lorsqu'il faut juger le 6 minutes. D'ailleurs un petit reproche au DMC : on était placé derrière les enceintes donc on avait plus l'image que le son.

Fais-tu toujours parti du Kalibre 33 ?

Le collectif existe toujours même si on ne fait pas réellement de projets communs. Chacun représente le truc dans sa ville : DJ Moon d'Angers est l'ancien DJ de Soul Choc et maintenant DJ du Prince d'Arabie en solo, DJ Siens de Chartres fait pas mal de mix-tapes r&b et spécial breakeurs, DJ 2Shé d'Orléans est maintenant à Marseille et bosse avec Psy 4 De La Rime, DJ Phantom de Tours a sorti un album instru l'année dernière et il en ressort un cette année où j'ai d'ailleurs posé une petite interlude.

Ecouter les intros avec Ecouter !

DJ Nétik : So much technik

Boo Graz - DJ Nétik : C'est comme ça

Tu as d'autres projets ?

Je dois sortir une scratch tape mais ça a un peu pris du retard étant donné ma situation personnelle. Ça aurait dû sortir en mars mais ça va prendre un peu de retard. Je veux quelque chose d'original, d'audible pour des gens extérieurs au scratch, de musical. Il y aura des invités et j'ai pas mal d'idées à exploiter. Je bosse aussi mes routines pour le championnat, l'album de Boograz est prêt à partir et il y aura peut-être un breakbeat. On verra en fonction du temps mais ça me botterait bien de faire un breakbeat.

Tu te vois donc évoluer dans la musique ?

La musique est ma passion et c'est ce que je veux faire. Pour l'instant je n'ai aucune envie d'arrêter donc oui ! Après l'avenir nous le dira.

Dédicaces : Dernière Conscience, Down Town Records, DJ's : Fresh, JP, Sleem, Know. Freud, Véher le véner, Dao, Momo, Orko ( et tous les autres ), Ambicieux, SBC, Les Animals, Ah Fresh Crew ...

Propos recueillis le : 19/02/2002
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